Biens placés dans un trust avant l’entrée en vigueur de la loi du 29/07/2011 : les héritiers doivent les déclarer si le constituant du trust ne s’en est pas irrévocablement et effectivement dessaisi.
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JURISPRUDENCE :
Suite au décès d’un marchand d’art, l’administration fiscale a notifié aux héritiers un redressement retenant une base taxable comportant, en particulier, les actifs de plusieurs trusts étrangers omis dans les déclarations de successions. En parallèle, une information judiciaire a été ouverte pour fraude fiscale.
Les prévenus ont cependant été relaxés par les juges du fond, faute, selon eux, d’élément légal de la fraude fiscale à la date des faits, s’agissant de l’imposition au titre des droits de mutation par décès de biens logés dans des trusts ayant perduré au-delà du décès de leur constituant.
La Cour de cassation (06/01/2021, 18-84570) va tout d’abord se prononcer sur la question relative à la prescription.
Elle précise notamment que “le dépôt d’une déclaration qui comporte des omissions, fût-elle tardive au regard des dispositions fiscales la régissant, fait courir le délai de prescription spéciale prévue à l’article L. 230 du livre des procédures fiscales dès lors qu’elle tend à permettre la liquidation et le paiement de l’impôt“.
En conséquence, elle juge qu’encourt la cassation l’arrêt de la cour d’appel qui déclare prescrit le délit de fraude fiscale par dissimulation dans une déclaration de succession aux motifs que la prescription a commencé à courir lors d’une première déclaration, déposée dans le délai légal de six mois du décès, et que la déclaration litigieuse, portant sur la même succession et les mêmes omissions déclaratives, ne peut constituer un nouveau délit de fraude fiscale, ce délit ayant été définitivement consommé lors de la première déclaration, alors que la seconde déclaration de succession visait à l’établissement et au paiement des droits de mutation à la suite du décès.
Concernant les faits de fraude fiscale, les juges du fond ont retenu que les trusts litigieux, qui ne figurent pas à l’actif de la déclaration de succession, présentent la caractéristique de ne pas prendre fin au décès de leur constituant, et que d’autres sont qualifiés d’irrévocables et discrétionnaires. Selon eux, avant la loi N. 2011-900 du 29/07/2011 de finances rectificative pour 2011, les biens logés dans des trusts ayant perduré au-delà du décès de leur constituant échappaient à l’obligation de déclaration et à l’imposition au titre des droits de mutation par décès.
La Cour de cassation rappelle :
– qu’avant cette loi, il a également été jugé par sa chambre commerciale “que, lorsqu’il est établi que le constituant d’un trust a le droit de jouir et de disposer des biens confiés ou, s’agissant d’un acte de trust irrévocable, ne s’est cependant pas dépossédé de ses biens de manière irrévocable, ces derniers doivent être inclus dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune constituée par la valeur des biens appartenant au contribuable“.
– “qu’il en résulte notamment qu’en l’absence de dessaisissement du constituant d’un trust, les biens qui y sont logés sont considérés comme étant restés la propriété du constituant. Dans cette hypothèse, il importe peu que, selon l’acte de trust, celui-ci soit qualifié de discrétionnaire et irrévocable et qu’il n’ait pas pris fin au décès du constituant“.
Elle ajoute ensuite que “l’intervention du législateur le 29 juillet 2011, lequel a organisé un régime fiscal des biens placés dans un trust de droit étranger, inapplicable à l’espèce, n’implique pas l’absence de toute fiscalité antérieure applicable à l’égard de ces biens. En effet, il ressort des travaux préparatoires que ce texte a visé à confirmer, préciser et compléter le régime fiscal des trusts en matière de droits de mutation à titre gratuit et d’impôt de solidarité sur la fortune. Ainsi, si le nouvel article 792-0 bis du code général des impôts instaure une imposition spécifique au titre des droits de mutation par décès s’agissant des biens placés dans un trust qui sont transmis aux bénéficiaires au décès du constituant sans être intégrés à sa succession, ou qui restent dans le trust après le décès du constituant, il confirme également que les transmissions à titre gratuit réalisées par l’intermédiaire d’un trust et qui peuvent être qualifiées de donation ou de succession sont soumises aux droits de mutation de droit commun“.
Elle énonce alors le principe selon lequel “Même avant l’entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2011, lorsque le constituant d’un trust de droit étranger, fût-il, aux termes de l’acte de trust, qualifié de discrétionnaire, irrévocable et ne prenant pas fin à son décès, ne s’est pas irrévocablement et effectivement dessaisi des biens placés, ses héritiers sont tenus de les déclarer lors de la succession. Par voie de conséquence, la méconnaissance de cette obligation déclarative est susceptible de caractériser le délit de fraude fiscale.
Dès lors, il appartient au juge d’analyser le fonctionnement concret du trust concerné afin de rechercher si le constituant a, dans les faits, continué à exercer à l’égard des biens logés dans le trust des prérogatives qui sont révélatrices de l’exercice du droit de propriété, de telle sorte qu’il ne peut être considéré comme s’en étant véritablement dessaisi“.
Elle juge enfin qu’encourt la censure l’arrêt de la cour d’appel qui relaxe les héritiers du chef de fraude fiscale par omission de biens logés dans des trusts dans une déclaration de succession par des énonciations qui, d’une part, retiennent l’absence, avant la loi du 29 juillet 2011, de toute obligation de déclarer, lors d’une succession, des biens placés dans un trust, d’autre part, s’agissant de celles relatives à l’effectivité du dessaisissement du constituant à l’égard de ces biens, sont équivoques, voire contradictoires, de sorte qu’elles ne mettent pas la Cour de cassation en mesure de contrôler la motivation retenue par les juges à l’appui de la relaxe.
C.Cass.Crim., 06/01/2021, 18-84570 ;
courdecassation.fr – Voir le Diane-infos 24359.