Fouilles archéologique et découverte d’un trésor sur un terrain privé : qui a droit à quoi ?
Deux personnes ont pratiqué des fouilles sur un terrain et découvert des pièces de monnaie antique qu’ils ont remises au service régional d’archéologie (SRA) aux fins d’étude après avoir déclaré leurs trouvailles auprès de ce service. Entre le 28 et le 31 octobre 2011, des fouilles archéologiques ordonnées par un arrêté préfectoral du 25 octobre 2011, autorisées par le propriétaire du terrain et effectuées par le SRA, ont permis la mise au jour de trois amphores contenant des milliers de pièces de monnaie antique qui ont été déposées dans un laboratoire sous la responsabilité de ce service. Le 30 juin 2020, après avoir vainement sollicité la remise de l’ensemble des pièces de monnaie et des amphores, le propriétaire du terrain a assigné l’Agent judiciaire de l’Etat, la direction départementale des finances publiques (DDFIP) et le préfet en restitution. Au cours de la procédure, les parties sont convenues que la propriété des pièces découvertes le 20 février 2011 revenait au propriétaire.
Les juges du fond retiennent que les amphores et les pièces de monnaie antique découvertes sur sa propriété en octobre 2011 doivent être partagées par parts égales entre le propriétaire et l’Etat.
Le propriétaire forme un pourvoi en soutenant que la propriété d’un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds et que ce n’est qu’en présence d’une découverte faite sur le terrain d’autrui que l’inventeur et le propriétaire se partagent le trésor par moitié. Or, dans le cas présent, l’inventeur ne pouvait prétendre à rien dès lors que les fouilles initiales de février 2011 furent menées illégalement. La propriétaire du terrain réclamait donc l’entière propriété des pièces et des amphores.
Après avoir rappelé que l’article 552, alinéa 1, du Code civil, dispose que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous« , et que l’article 716 du même code, dispose que « la propriété d’un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds ; si le trésor est trouvé dans le fonds d’autrui, il appartient pour moitié à celui qui l’a découvert, pour l’autre moitié au propriétaire du fonds. Le trésor est toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété et qui est découverte par le pur effet du hasard« , la Cour de cassation (23-16612) précise que « le Code du patrimoine distingue les fouilles archéologiques exécutées par l’Etat et les découvertes fortuites« .
Elle ajoute que « l’Etat est selon, l’article L. 531-9, autorisé à procéder d’office à l’exécution de fouilles ou de sondages pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie sur les terrains ne lui appartenant pas sauf exceptions prévues par ce texte. L’article L. 531-11, abrogé par la loi N. 2016-925 du 7 juillet 2016 mais demeurant applicable au litige, a précisé qu’à l’issue du délai nécessaire à leur étude scientifique, la propriété des découvertes de caractère mobilier faites au cours des fouilles exécutées par l’Etat est partagée entre l’Etat et le propriétaire du terrain suivant les règles de droit commun« .
Elle indique que « l’article L. 531-14 relatif aux découvertes fortuites prévoit que lorsque par suite de travaux ou d’un fait quelconque, des vestiges archéologiques sont mis au jour, l’inventeur de ces vestiges et le propriétaire de l’immeuble où ils ont été découverts sont tenus d’en faire la déclaration immédiate au maire de la commune, qui doit la transmettre sans délai au préfet qui avise l’autorité administrative compétente. L’article L. 531-15 ajoute que lorsque la continuation des recherches présente au point de vue de la préhistoire, de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie, un intérêt public, les fouilles ne peuvent être poursuivies que par l’Etat ou après autorisation de l’Etat. L’article L. 531-16, abrogé par la loi N. 2016-925 du 7 juillet 2016 mais demeurant applicable au litige, a précisé que les découvertes de caractère mobilier faites fortuitement sont confiées à l’Etat pendant le délai nécessaire à leur étude scientifique et qu’au terme de ce délai, qui ne peut excéder cinq ans, leur propriété demeure réglée par l’article 716 du code civil« .
Ainsi, « il résulte de ces dispositions que les règles d’appropriation des vestiges archéologiques dépendent de la nature des fouilles ayant conduit à leur mise au jour« .
La Cour de cassation juge que « la cour d’appel a retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, qu’après la découverte initiale des deux cent soixante dix-huit pièces, qui n’était pas fortuite dès lors que [les inventeurs] recherchaient délibérément des pièces antiques dont ils soupçonnaient la présence compte tenu de découvertes ponctuelles antérieures, les fouilles archéologiques réalisées en octobre 2011 sur le terrain (…), ayant permis la découverte des trois amphores et des autres pièces de monnaie antiques, avaient été autorisées par l’Etat« .
Par conséquent, « la cour d’appel, qui n’a pas ajouté de condition à la loi, a exactement déduit qu’en application des articles L. 531-9 et L. 531-11 du code de patrimoine, les amphores et pièces de monnaie antique découvertes en octobre 2011 devaient être partagées par parts égales entre [le propriétaire] et l’Etat« .



