Trouble de voisinage : la faute de la victime peut réduire son indemnisation.
Par arrêté préfectoral de 1978, une société a été autorisée à exploiter une décharge industrielle. Après cessation d’activité en 1992 et réhabilitation en 1999, les exploitants agricoles riverains ont constaté une pollution persistante affectant leurs parcelles et leur cheptel. Plusieurs expertises judiciaires ont été ordonnées. En 2019, les exploitants ont assigné la société en indemnisation sur le fondement du trouble anormal de voisinage.
Les juges du fond ont reconnu la responsabilité exclusive de la société et l’ont condamnée à indemniser les exploitants à hauteur de plus de 2 millions d’euros, refusant tout partage de responsabilité. Ils retiennent que « le seul fait pour ces derniers d’avoir maintenu le pâturage de leur cheptel sur les parcelles polluées après l’année 2004, date à laquelle ils ont eu connaissance de l’existence et des effets de la pollution sur leurs bêtes, même s’ils disposaient d’autres parcelles non polluées pouvant les accueillir, n’a pas aggravé leur préjudice puisqu’ils n’ont pas augmenté le pâturage de leurs bovins sur les parcelles polluées et qu’en l’absence de preuve d’une telle aggravation, les [exploitants] n’avaient aucune obligation de minimiser leur préjudice dans l’intérêt du pollueur ».
La société a formé un pourvoi en faisait valoir une faute des victimes, qui avaient continué à faire pâturer leurs animaux sur des terres qu’elles savaient polluées depuis 2002, contribuant ainsi à l’aggravation du dommage.
Au visa de l’article 1240 du Code civil dont il résulte que « si la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable, sa faute, lorsqu’elle a contribué à l’aggravation du dommage, diminue son droit à réparation« , la Cour de cassation (23-23775) juge qu' »en statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu que ce comportement était fautif et qu’il résultait de ses propres constatations que cette faute se trouvait en lien, à compter de l’année 2004, avec la persistance de la surmortalité du cheptel jusqu’au jour où elle statuait, la cour d’appel a violé le texte susvisé« .
C.Cass.Civ.3ème, 05/06/2025, 23-23775 ;
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