L’apport volontairement majoré à une société n’est pas forcément une libéralité.
JURISPRUDENCE :
En juin 2009, M. C avait apporté à la société JMS, qu’il contrôle avec son épouse, l’usufruit temporaire, pour une durée de sept ans, de titres de la société Coralu, cet apport étant rémunéré par l’attribution à M. C de titres de la société JMS assortis d’une soulte. La société JMS a cédé cet usufruit temporaire le jour-même et au même prix à la société CM, également contrôlée par M. C, cette acquisition ayant été financée au moyen d’un emprunt sur sept ans. En novembre 2009, M. C avait apporté à la société JMS l’usufruit temporaire, pour une durée de dix-sept ans, de parts de la société CM, et avait en contrepartie reçu des titres de la société JMS ainsi qu’une soulte.
L’usufruit pour sept ans des titres Coralu avait été valorisé en tenant compte de ce que l’emprunt souscrit par la société CM serait couvert par la distribution de dividendes par la société Coralu. L’usufruit pour dix-sept ans des titres CM avait été valorisé en tenant compte de ce que, dans une première période, correspondant aux sept années au cours desquelles l’emprunt souscrit par cette société pour l’acquisition de l’usufruit des titres Coralu serait remboursé, aucune distribution de la part de CM n’aurait lieu, puis que, au cours des dix années suivantes, CM verserait un flux continu de dividendes.
L’administration a estimé que le versement de ces derniers dividendes revêtait un caractère hypothétique, en ce qu’il supposait une prolongation par M. C pour dix années supplémentaires de l’usufruit des titres Coralu qu’il n’avait consenti que pour sept ans. Elle en a déduit que la valeur de l’usufruit temporaire sur dix-sept ans des titres CM était de seulement 621 353 euros et que la différence entre cette somme et celle de 2 649 767 euros pour laquelle avait été valorisé l’apport des titres de la société CM à la société JMS devait être regardée comme un avantage occulte consenti par cette dernière société à M. C, imposable entre ses mains sur le fondement des dispositions du c) de l’article 111 du Code général des impôts (CGI).
La cour d’appel a jugé que l’administration fiscale avait pu à bon droit regarder M. C, apporteur des titres, comme ayant bénéficié de la part de la société JMS, bénéficiaire de l’apport, d’une libéralité, taxable entre ses mains sur le fondement de l’article précité « au seul motif qu’elle avait établi que les parties à cette opération avaient délibérément retenu une valeur d’apport supérieure à la valeur réelle des actifs apportés« .
Le Conseil d’Etat (20/10/2021, Req. 445685) juge que la cour d’appel a commis une erreur de droit.
Il va rappeler que « la seule circonstance qu’une société bénéficie d’un apport pour une valeur que les parties ont délibérément majorée par rapport à la valeur vénale de l’objet de la convention ne saurait par elle-même traduire l’existence d’un appauvrissement de la société bénéficiaire de l’apport au profit de l’apporteur« .
C.E., 20/10/2021, Req. 445685 ;
legifrance.gouv.fr – Voir le Diane-infos 25228



