Bail d’un fonds rural dépendant de la communauté consenti par un seul époux : les règles de la gestion d’affaires peuvent s’appliquer.
En 2018, un couple a vendu des parcelles dépendant de la communauté. Cependant, se prévalant de l’existence d’un bail verbal portant sur lesdites parcelles, que l’époux lui aurait consenti à compter de janvier 2016, Mme [P] a saisi, avec succès, un tribunal paritaire des baux ruraux en reconnaissance d’un bail rural et en nullité de la vente intervenue en violation de son droit de préemption.
Les époux forment un pourvoi en soutenant que « si à défaut de pouvoir légal, de mandat ou d’habilitation par justice, les actes faits par un époux en représentation de l’autre ont effet, à l’égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d’affaires, c’est à la condition que l’époux représenté se trouve hors d’état de manifester sa volonté« .
La Cour de cassation (18/09/2025, 23-15971) rappelle tout d’abord les dispositions suivantes :
– Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 219 du Code civil, « si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge« .
– Aux termes de l’alinéa 2 de ce même texte, « à défaut de pouvoir légal, de mandat ou d’habilitation par justice, les actes faits par un époux en représentation de l’autre ont effet, à l’égard de celui-ci, suivant les règles de la gestion d’affaires« .
– Selon l’article 226 du même code, « ces dispositions sont applicables, par le seul effet du mariage, quel que soit le régime matrimonial des époux« .
– En application de l’article 1425 du Code civil, « les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, donner à bail un fonds rural dépendant de la communauté« .
– Aux termes de l’article 1427 du même code, « si l’un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l’autre, à moins qu’il n’ait ratifié l’acte, peut en demander l’annulation. L’action en nullité est ouverte au conjoint pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté« .
Elle précise ensuite :
– qu’il résulte de la combinaison des deuxième, troisième et quatrième de ces textes « que les dispositions des articles 1425 et 1427 du code civil, en ce qu’elles prévoient la nullité du bail d’un fonds rural dépendant de la communauté consenti par un seul époux à défaut de ratification par l’autre époux, n’excluent pas l’application à ce bail des règles de la gestion d’affaires« .
– que les dispositions de chacun des alinéas de l’article 219 du Code civil, « qui ont pour objet commun d’énoncer les modalités d’une représentation d’un époux par son conjoint à l’initiative de ce dernier, énoncent des conditions de mise en oeuvre qui leur sont propres et, dès lors, le recours aux règles de la gestion d’affaires prévu à l’alinéa 2 de ce texte n’est pas subordonné à la condition que l’autre époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté« .
Elle juge donc que « le moyen, qui postule le contraire, n’est donc pas fondé« .
Cependant, en l’espèce, pour rejeter la demande en nullité du bail, la cour d’appel a retenu que l’époux a agi dans le cadre de la gestion d’affaires.
La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 1375 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10/02/2016, « le maître dont l’affaire a été bien administrée doit remplir les engagements que le gérant a contractés en son nom, l’indemniser de tous les engagements personnels qu’il a pris, et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu’il a faites« .
Dès lors, « en se déterminant ainsi, sans rechercher si la gestion de [l’époux] avait été utile, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision« .
C.Cass.Civ.3ème, 18/09/2025, 23-15971 ;
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