Le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant ne constitue pas une opération de partage.
Dans sa décision du 21/05/2025 (23-19780 – Diane-infos 28623), la première chambre civile de la Cour de cassation est d’avis que « le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant, en application de l’article 1515 du code civil, ne constitue pas une opération de partage« .
La chambre commerciale de la Cour de cassation (23-19780) confirme cet avis.
Les faits étaient les suivants :
A la suite du décès de son époux en 2016, la veuve a procédé à un prélèvement sur la communauté, en exécution de la clause de préciput prévue à son contrat de mariage. Par une proposition de rectification notifiée à la veuve le 9 décembre 2019, l’administration fiscale a soumis ce prélèvement au droit de partage prévu à l’article 746 du Code général des impôts (CGI). Après rejet de sa réclamation contentieuse, la veuve a assigné l’administration fiscale en décharge des impositions réclamées ainsi que des intérêts de retard.
Les juges du fond annulent la décision de rejet de la réclamation de la veuve. Pour juger non fondé l’assujettissement au droit de partage du prélèvement préciputaire opéré par la veuve, ils ont retenu que s’il remplissait les conditions relatives à l’existence d’un acte, à l’existence d’une indivision entre les copartageants et à la justification d’une indivision, il ne constituait pas une véritable opération de partage.
L’administration fiscale forme un pourvoi en soutenant « que les partages de biens meubles et immeubles entre copropriétaires, cohéritiers et coassociés, à quelque titre que ce soit, pourvu qu’il en soit justifié, sont assujettis à un droit d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière de 2,50 % ; qu’un prélèvement préciputaire opéré par le conjoint survivant constitue une véritable opération de partage mettant fin à une indivision par l’attribution de droits privatifs sur les biens concernés à un seul des copartageants ».
Pour la Cour de cassation :
Aux termes de l’article 746 du CGI, dans sa rédaction issue de la loi N. 2011-900 du 29/07/2011, « les partages de biens meubles et immeubles entre copropriétaires, cohéritiers et coassociés, à quelque titre que ce soit, pourvu qu’il en soit justifié, sont assujettis à un droit d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière de 2,50 %« .
Selon l’article 635, 7°, du CGI, « les actes constatant un partage de biens à quelque titre que ce soit doivent être enregistrés dans le délai d’un mois à compter de leur date« .
Aux termes de l’article 1515 du Code civil, « il peut être convenu, dans le contrat de mariage, que le survivant des époux, ou l’un d’eux s’il survit, sera autorisé à prélever sur la communauté, avant tout partage, soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée de biens.
Sauf cas particulier prévu par la loi, l’opération de partage, proprement dite, se définit comme celle qui, à l’issue du processus permettant de mettre fin à une indivision, contribue directement à la division de la masse indivise, préalablement liquidée, et à sa répartition entre les indivisaires à proportion de leurs droits respectifs.
Le prélèvement effectué sur la communauté par le conjoint survivant en vertu d’une clause de préciput, régi aux articles 1515 à 1519 du code civil, a, comme le partage, un effet rétroactif. Mais il se distingue de l’opération de partage à plusieurs égards.
En premier lieu, s’il s’opère dans la limite de l’actif net préalablement liquidé de la communauté, il intervient, selon les termes mêmes de l’article 1515 du code civil, avant tout partage.
En deuxième lieu, s’effectuant sans contrepartie, les biens prélevés en exécution de ce droit ne s’imputent pas sur la part de l’époux bénéficiaire.
En troisième lieu, son exercice relève d’une faculté unilatérale et discrétionnaire de celui-ci.
Il résulte de ce qui précède que le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant, en application de l’article 1515 du code civil, ne constitue pas une opération de partage. Il ne peut, dès lors, être soumis au droit de partage prévu à l’article 746 du code général des impôts« .
C.Com., 05/11/2025, 23-19780 ;
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