Le notaire est-il une juridiction au sens de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – TFUE ?

JURISPRUDENCE :

À la demande d’une société de droit luxembourgeois, une notaire espagnole a délivré des injonctions de payer européennes à l’égard de différents débiteurs ayant leur résidence habituelle en Espagne.

À la suite de la délivrance de ces injonctions de payer européennes, la direction générale des registres et du notariat, organe administratif dont relèvent les notaires en Espagne, a engagé une procédure à l’encontre de la notaire concernée et a infligé à cette dernière une sanction pour violation de la Ley del Notariado (loi sur le notariat), du 28/05/1862.

Dans ce contexte, estimant que le règlement N. 1896/2006 l’habilite à délivrer des injonctions de payer européennes dans des affaires transfrontalières, la notaire concernée a décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) à titre préjudiciel.  Concernant sa qualification de “juridiction”, au sens de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – TFUEla notaire concernée soutient, en substance, que la procédure de renvoi préjudiciel a été conçue à l’intention, non seulement, de juridictions, mais également des professionnels du droit exerçant des fonctions juridictionnelles.

Examinant la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, la CJUE (19/05/2022, C-722/21) rappelle qu’afin d’apprécier si un organisme de renvoi peut être qualifié de “juridiction”, au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de cet organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de sa procédure, l’application, par ledit organisme, des règles de droit ainsi que son indépendance.

En outre, il est nécessaire d’examiner la nature spécifique des fonctions, juridictionnelles ou administratives, qu’il exerce dans le contexte normatif particulier dans lequel il a saisi la Cour, en vue de vérifier si un litige est pendant devant un tel organisme et si ce dernier est appelé à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel.

En l’occurrence, la CJUE relève “que le contexte factuel et réglementaire de l’affaire au principal, tel qu’il est exposé dans la demande de décision préjudicielle, ne permet pas d’identifier l’existence d’un litige pendant devant la notaire concernée, dans le cadre duquel cette dernière serait appelée à rendre une décision de caractère juridictionnel”.

En effet, en l’espèce, il ressort uniquement de la demande de décision préjudicielle que, la notaire concernée a décidé d’interroger la Cour à titre préjudiciel au sujet de l’effet direct du règlement N. 1896/2006 ainsi que de la primauté du droit de l’Union.

“Dans ces conditions, il convient de considérer que, en l’absence d’éléments permettant de constater que, dans le contexte particulier dans lequel elle a saisi la Cour, la notaire concernée peut être considérée comme exerçant une fonction juridictionnelle et être ainsi habilitée à adresser, au titre de l’article 267 TFUE, des questions préjudicielles à la Cour concernant l’interprétation du droit de l’Union, cette notaire ne saurait être qualifiée de “juridiction”, au sens de l’article 267 TFUE, et cela sans qu’il y ait lieu d’examiner si ladite notaire remplit les autres critères (…) permettant d’apprécier un tel caractère“.

Elle juge donc qu'”eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la demande de décision préjudicielle introduite par la notaire concernée est, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, manifestement irrecevable“.

CJUE, 19/05/2022, C-722/21 ;
curia.europa.eu – Voir Diane-infos 25753

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