Ordonnance N. 2024-562 du 19 juin 2024 modifiant et codifiant le droit de la publicité foncière (et rapport au Président de la République).
Le 12/11/2018 a été remis au Garde des sceaux le rapport de la Commission de réforme de la publicité foncière présidée par le Professeur Laurent Aynès. S’appuyant sur les travaux de cette Commission, l’objectif de l’ordonnance N. 2024-562 du 19/06/2024 modifiant et codifiant le droit de la publicité foncière, prise sur le fondement de la loi N. 2023-1059 du 20/11/2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, qui entrera en vigueur à la date de publication de son décret d’application et au plus tard le 31 décembre 2028, est d’offrir à la publicité foncière un régime modernisé, simplifié et rationalisé, par la création de principes généraux, codifiés dans le Code civil, afin d’améliorer l’accessibilité de la matière et de renforcer son efficacité juridique.
* Comme le relève le rapport au Président de la République, sur le plan formel et sur la base des conclusions de la Commission de réforme de la publicité foncière, le décret du 4 janvier 1955 est abrogé et ses dispositions de valeur législative sont rassemblées au sein du titre V “De la publicité foncière” du livre II du Code civil, d’ores et déjà existant, afin d’en achever la codification.
Par ailleurs, le titre II du livre IV du Code civil relatif aux sûretés réelles et plus particulièrement, la section 6 de son chapitre III portant sur l’inscription des hypothèques, est partiellement réécrit afin là encore de moderniser la langue et d’énoncer clairement les principes gouvernant cette formalité spécifique, en tenant compte de l’acquis jurisprudentiel. En particulier, les expressions “d’arrêt du cours des inscriptions”, “d’effet légal” de l’hypothèque, de “date d’extrême effet” de l’inscription, usitées des praticiens rompus à la matière mais hermétiques au juriste profane, sont ainsi remplacées par des termes plus accessibles.
* Sur le fond, les conditions nécessaires à l’accomplissement de chaque formalité et à son effectivité sont clairement exposées. Le principe de l’authenticité des actes rendus publics et l’exigence de publicité préalable des titres antérieurs à ceux dont la publicité est requise, sont clarifiés et renforcés par les nouveaux textes.
Les formalités dont la base légale était mal assurée, particulièrement en matière de mentions en marge d’inscriptions d’hypothèque déjà prises ou de documents précédemment publiés, sont sécurisées.
Les règles d’opposabilité née de la publicité foncière sont rassemblées et clairement énoncées. En particulier, la liste des actes publiés à cette fin est identifiée. Dans un même souci de clarification, l’abrogation de l’article 941 du code civil, devenu inutile, permet d’aligner l’opposabilité de la publication des donations immobilières sur le droit commun et de rejoindre ainsi la jurisprudence en la matière. L’ordonnance réaffirme le principe de la priorité accordée au droit résultant d’un acte rendu opposable par sa publication au fichier immobilier (principe du “primo-publiant”).
En matière d’inscription d’hypothèque, les règles relatives au périmètre des sommes garanties par l’inscription sont complétées par des précisions quant aux intérêts qui sont couverts de plein droit par l’inscription en vertu de la loi, quoique non mentionnés par le créancier dans les bordereaux d’inscription. En outre, le régime de la réduction judiciaire de l’inscription est clarifié.
* Sur le plan procédural, certaines règles, sources de complexité, sont abandonnées ou donnent lieu à des mesures de mise en cohérence. Les demandes de formalités de publicité foncière qui ne satisfont pas aux conditions nécessaires pour être exécutées font désormais l’objet d’une sanction unifiée par type de manquement, qu’elles soient relatives à la publication d’un document ou à l’inscription d’une hypothèque.
Les règles de refus d’admission d’un document au dépôt par le SPF, de suspension des opérations de publicité dans l’attente de la régularisation de la requête et d’arrêt de la formalité faute d’une telle régularisation, font l’objet d’une présentation modernisée et sont rationnalisées, afin de dégager les gains de productivité attendus des SPF.
Nombre des simplifications procédurales opérées par l’ordonnance renforcent concomitamment le rôle des professionnels du droit dans la publicité foncière, dont ils sont tant les utilisateurs que les acteurs. La réaffirmation du principe de la forme authentique de l’acte à publier conforte la place centrale dans le dispositif des notaires, auteurs de la grande majorité des actes publiés au fichier immobilier.
La présentation obligatoire du titre fondant l’inscription de l’hypothèque légale attachée aux jugements de condamnation et de l’hypothèque judiciaire est supprimée, de même que les contrôles corrélatifs de fond et de délai opérés par le SPF. Ce faisant, l’ordonnance restitue au professionnel du droit qui est à l’initiative de l’inscription de ces catégories d’hypothèques (avocat, commissaire de justice) son rôle de garant de la validité et de la sécurité juridique de la procédure et, réciproquement, au service chargé de la publicité foncière son rôle de gardien du formalisme, à l’exclusion de tout contrôle de fond. Cette mesure met ainsi fin à des vérifications et à des demandes de pièces complémentaires qui retardent l’accomplissement de l’inscription.
Dans la même perspective, les mentions en marge de documents précédemment publiés sont dotées d’un régime reposant sur le dépôt d’un bordereau complété des mentions nécessaires par le professionnel du droit, sans présentation de pièces justificatives ni contrôle de fond opéré par le SPF.
Face au succès rencontré par la radiation “simplifiée” de l’inscription d’hypothèque, la logique de cette procédure est approfondie, puisque la mention en marge opérant la radiation sera désormais requise sur simple dépôt de ce bordereau, sans présentation ni contrôle par le SPF des pièces justificatives.
J.O.L.D., 20/06/2024, Textes 34 et 35.