Demande de cession amiable du bail rural : le silence du bailleur constitue-t-il un abus de droit ?
Une bailleresse a donné à bail rural diverses parcelles à un preneur qui les a mises à la disposition d’une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL).
En décembre 2018, le preneur a sollicité de la bailleresse son agrément pour céder les baux à son fils, puis a saisi, le 11 mars 2019, un tribunal paritaire des baux ruraux en autorisation de cession des baux et paiement de dommages-intérêts pour ne pas avoir pu céder les baux dès le 1er janvier 2019 comme envisagé. La bailleresse s’est opposée à la demande de cession et a sollicité, à titre reconventionnel, la résiliation des baux.
Pour condamner la bailleresse à verser des dommages-intérêts au preneur, la cour d’appel a retenu que, « malgré deux sollicitations par courriers recommandés en date des 8 novembre et 10 décembre 2018, [la bailleresse] n’a pas fait connaître sa position quant à la cession des baux sollicitée par [le preneur] et que, si elle aurait pu parfaitement refuser cette demande et laisser ainsi au preneur l’initiative de saisir la juridiction compétente pour voir statuer sur le bien-fondé de sa prétention, son défaut de réponse, inexpliqué dans ses écritures et qui s’avère infondé, dès lors qu’il n’est fait état d’aucune velléité de reprise personnelle ou de transmission à un membre proche de sa famille, constitue une faute de sa part qui a privé [le preneur] de la chance de percevoir dès le 1er janvier 2019 une retraite« .
La Cour de cassation (24/10/2024, 23-12314) rappelle tout d’abord :
– qu’aux termes de l’article 1240 du Code civil, « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » ;
– qu’aux termes de l’article L. 411-35, alinéa 1er, du Code rural et de la pêche maritime, « toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l’agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d’un pacte civil de solidarité du preneur participant à l’exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l’âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d’agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire« .
Elle juge ensuite qu’en « se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’existence de circonstances particulières faisant dégénérer en abus le droit du bailleur de ne pas acquiescer à une demande amiable d’autorisation de cession, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision« .