Validité sous condition d’un testament rédigé dans une langue que ne comprend pas le testateur.
Jusqu’en 2015, le testament authentique ne pouvait pas être rédigé avec l’assistance d’un interprète. Un testament authentique qui ne respecte pas les règles de forme attendues est nul. Toutefois, si, malgré ces irrégularités, sa forme remplit les critères attendus d’un testament international, le testament authentique peut être « sauvé » : le testament authentique, s’il respecte certaines conditions, sera alors valable en tant que testament international.
La Cour de cassation fait évoluer sa jurisprudence : désormais, si un testament est établi par un notaire dans une langue que ne comprend pas le testateur, mais avec l’aide d’un interprète, ce document pourra rester valable sous certaines conditions en tant que testament international.
En l’espèce, une femme de nationalité italienne est décédée, laissant trois filles, un fils et un petit-fils pour lui succéder. Cette femme ne maîtrisait pas la langue française. Lorsqu’elle a fait rédiger son testament par un notaire français, en langue française, elle a eu recours à un interprète. Au décès de cette femme, il est apparu que le testament avantageait ses trois filles. D’après le petit-fils, ce testament ne reflétait pas la volonté de sa grand-mère. Il a donc saisi la justice pour demander l’annulation du testament.
Le premier arrêt de cour d’appel a estimé que ce testament était valide en tant que testament international :
– elle a reconnu que ce testament ne respectait pas les règles de forme attendues d’un testament authentique (jusqu’en 2015, le recours à un interprète n’était pas autorisé) ;
– néanmoins, elle a considéré qu’il restait valable en tant que testament international, dont il satisfaisait toutes les exigences.
Le petit-fils a formé un pourvoi en cassation.
La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation (02/03/2022, 20-21068, Diane-infos 25469) a cassé cet arrêt en jugeant que même un testament international devait être rédigé dans une langue comprise par le testateur.
Le second arrêt de cour d’appel n’a pas suivi la Cour de cassation. elle a estimé qu’en tant que testament international, ce document était valide, l’assistance d’un interprète ayant permis de remédier aux difficultés de compréhension du testateur.
Le petit-fils a formé un nouveau pourvoi en cassation.
Dans ce second pourvoi, l’affaire a donc été examinée en assemblée plénière.
La question posée à la Cour de cassation était la suivante :
– Pour être valide, un testament international doit-il être rédigé dans une langue que comprenne le testateur ou suffit-il que le testateur ait été assisté d’un interprète ?
– Le cas échéant, cet interprète doit-il être inscrit sur une liste d’experts judiciaires ?
La réponse à cette question doit permettre de fixer les conditions de « sauvetage » du testament authentique frappé de nullité.
La Cour de cassation (23-18823) fait évoluer sa jurisprudence : elle admet désormais qu’un testament international puisse être écrit dans une langue que ne comprend pas le testateur.
Toutefois, la Cour pose une condition : la loi dont dépend le notaire en charge d’établir le testament doit autoriser le recours à un interprète. Si, en France, une loi de 2015 a autorisé le recours à un interprète, cette évolution qui vise le testament par acte authentique :
– ne concerne que les testaments établis à partir du 18 février 2015 ;
– et pose comme condition que l’interprète soit inscrit sur une liste d’expert judiciaire.
Or, dans cette affaire, le testament a été rédigé par un notaire français avant le 18 février 2015, avec l’aide d’un interprète et celui-ci n’avait pas la qualité d’expert judiciaire.
Dès lors, ce testament ne peut être « sauvé » : il n’est valide ni comme testament authentique ni comme testament international.
La décision de la cour d’appel est donc censurée.
C.Cass.Ass.Plénière, 17/01/2025, 23-18823 ;
courdecassation.fr