Impossibilité de rétrocession après expropriation : point de départ des préjudices de privation de la plus-value et de jouissance.
Un propriétaire a été exproprié de parcelles qui n’ont pas reçu la destination prévue dans la déclaration d’utilité publique. Constatant l’impossibilité de rétrocession, il a assigné l’expropriant en indemnisation de la perte de plus-value et du préjudice de jouissance.
Les juges du fond ont fixé l’indemnisation en se basant sur la valeur entre 2012 (date d’assignation en rétrocession) et 2017 (reconnaissance définitive du droit à rétrocession).
Le propriétaire a formé un pourvoi pour contester cette méthode d’évaluation en soutenant que l’indemnité devait être calculée à la valeur actuelle (à la date où statue le juge), non pas en se basant sur la valeur entre 2012 et 2017. Ainsi, la période préjudicielle aurait dû courir jusqu’à la date du jugement et non jusqu’à celle de reconnaissance du droit à rétrocession.
La Cour de cassation (24-10964, 10/07/2025) rappelle tout d’abord qu’il résulte de l’article L. 421-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique que « le droit de rétrocession est la faculté ouverte à l’exproprié dont le bien n’a pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, la destination prévue ou a cessé de recevoir cette destination, de racheter ledit bien, au regard de sa qualification à la date à laquelle le droit de rétrocession a été reconnu, au prix estimé à la date de la décision de première instance statuant sur le prix de l’immeuble rétrocédé (3e Civ., 26/02/1997, pourvoi N. 96-70022, publié).
Elle précise ensuite que « La rétrocession n’étant pas une résolution du transfert de propriété intervenu par expropriation, mais une nouvelle vente opérant sans rétroactivité (3e Civ., 08/06/1988, pourvoi N. 86-19430, publié), elle n’affecte pas l’indemnité versée à l’exproprié.
L’impossibilité de rétrocession du bien exproprié se résout en dommages-intérêts.
Il découle de ces règles, s’agissant de la perte de plus-value du bien dont la rétrocession est devenue impossible, que :
– la rétrocession n’étant qu’une faculté, sans incidence sur la régularité de l’expropriation, le point de départ de la période préjudicielle est, non pas la date à laquelle le bien a été exproprié, mais celle de l’assignation aux fins de rétrocession, qui constitue la mise en demeure de l’autorité expropriante de restituer son bien à l’exproprié (3e Civ., 17/07/1997, pourvoi N. 95-17530, publié) ;
– la rétrocession, lorsqu’elle est possible, supposant le rachat par l’exproprié de son bien à sa valeur résultant de sa qualification à la date à laquelle le droit de rétrocession a été définitivement reconnu, cette date constitue, lorsque la rétrocession est impossible, le terme de la période préjudicielle« .
Par conséquent, elle juge que « La cour d’appel a exactement fixé, sans violer l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la perte de plus-value à la différence de valeur des parcelles entre le 28 novembre 2012, date de l’assignation aux fins de rétrocession, et le 3 octobre 2017, date de reconnaissance de ce droit« .