Une collection constituée par un époux relève-t-elle de la présomption simple de propriété instituée au profit de l’épouse ?
JURISPRUDENCE :
Mme X, veuve en premières noces de M. Y et en secondes noces de M. Z, époux séparé de biens décédé en 1969, est elle-même décédée en 2008, laissant pour lui succéder un enfant de son premier mariage et quatre autres du second. Le premier a assigné en partage les quatre autres.
Les juges du fond ont ordonné le rapport à la succession d’une somme de 95 043 euros correspondant au prix net du mobilier vendu en septembre 1998 sous l’intitulé « collection Z » en retenant que la collection constituée par M. Z relevait de la présomption simple de propriété instituée au profit de l’épouse posée par l’alinéa 3 de l’article 3 du contrat de mariage des époux disposant que « seront réputés la propriété exclusive de la future épouse, les meubles meublants, linge, argenterie et autres objets mobiliers quelconques qui garniront l’habitation commune pendant le mariage comme à la date de sa dissolution, il n’y aura d’exception que pour ceux de ces objets sur lesquels le futur époux ou ses héritiers et représentants établiront leur droit de propriété par titres, factures de marchands ou tout autre moyen de preuve légale ».
Les enfants du second mariage ont formé un pourvoi en soutenant que « l’alinéa 3 de l’article 3 du contrat de mariage des époux […] visait uniquement « les meubles meublants, linge, argenterie et autres objets mobiliers quelconques qui garniront l’habitation », non les collections d’oeuvres d’art, lesquelles ne sont ni des meubles meublants ni des meubles qui garnissent ou ornent un logement » ; « que le propriétaire d’un bien est la personne qui en fait l’acquisition » ; que M. Y avait fait l’acquisition des étains qu’il avait réunis en une collection, donc en était le propriétaire, « de sorte qu’était renversée la présomption de propriété au profit de son épouse posée par l’alinéa 3 de l’article 3 du contrat de mariage » ; que des articles de presse décrivaient tous M. Z comme « la personne ayant acquis les étains pour les réunir dans une collection unique en Europe, de Mme [B], ancienne employée de [M. Z], qui témoignait que celui-ci, dès avant son mariage (…), était passionné par l’achat d’antiquités, et le programme de la vente aux enchères, qui annonçait et détaillait la mise en vente de la « collection [Z] ».
La Cour de cassation (19-21784) rejette le pourvoi en jugeant que, « d’une part, après avoir constaté qu’il résultait des articles de journaux et photographies produits que les objets en étain litigieux avaient servi à décorer et garnir, de façon exceptionnelle, le logement commun, c’est sans dénaturer cette clause claire et précise visant, outre les meubles meublants, tous les meubles garnissant l’habitation commune, qu’elle n’a fait qu’appliquer, que la cour d’appel a retenu que la collection litigieuse relevait de la présomption simple de propriété instituée au profit de l’épouse« , et, « d’autre part, ayant relevé que, s’il résultait des mêmes documents que ces objets vendus en septembre 1998 avaient été recherchés et choisis par [M. Z], il n’était justifié d’aucun acte d’achat ou facture y afférent et que la déclaration de succession de ce dernier ne faisait mention d’aucune collection ni d’un inventaire de mobilier, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation et sans être tenue de s’expliquer sur les pièces qu’elle décidait d’écarter ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la cour d’appel a estimé que les [enfants du second mariage] ne rapportaient pas la preuve contraire de l’appartenance de cette collection à leur auteur, de sorte qu’ils devaient en restituer le prix de vente à la succession« .
C.Cass.Civ.1ère, 23/06/2021, 19-21784 ;
legifrance.gouv.fr – Voir le Diane-infos 25110