Covid-19 et couvre-feu : les déplacements chez un professionnel du droit doivent être autorisés après 18 heures.
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L’Ordre des avocats du barreau de Montpellier a demandé au juge des référés du Conseil d’Etat d’ordonner la suspension de l’exécution de l’article 4 du décret N. 2020-1310 du 29/10/2020 en tant qu’il ne prévoit pas de dérogation au couvre-feu instauré de 18 heures à 6 heures du matin afin d’effectuer des déplacements pour se rendre chez un professionnel du droit pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance.
L’Ordre des avocats soutenait que l’interdiction de toute dérogation spécifique au couvre-feu en vigueur à partir de 18 heures sur l’ensemble du territoire national pour se rendre chez un professionnel du droit porte une atteinte grave et manifeste au droit à un recours juridictionnel effectif qui implique notamment la possibilité d’assurer de manière effective sa défense devant un juge et donc, notamment, la possibilité de disposer de l’assistance effective d’un avocat dans un cadre qui assure la confidentialité des échanges tout en permettant au justiciable de présenter les éléments de sa situation.
Le Conseil d’Etat (03/03/2021, Req. 449764), statuant en référé, estime “que l’interdiction de toute dérogation spécifique pour consulter un professionnel du droit et en particulier un avocat au-delà de 18 heures est de nature à rendre difficile voire, dans certains cas, impossible en pratique l’accès à un avocat dans des conditions, notamment en termes de respect effectif du secret des échanges entre l’avocat et son client, conformes aux exigences du respect des droits de la défense pour les personnes qui sont astreintes à des contraintes horaires notamment en raison de leur profession, la consultation par téléconférence depuis son domicile, même lorsqu’elle est matériellement possible, pouvant ne pas être de nature à répondre à ces exigences en particulier s’agissant de différend de nature familiale ou personnelle“.
Il ajoute, que “dans certains contentieux, tels que ceux qui opposent un consommateur et un professionnel de la vente ou de l’assurance ou encore un employé et son entreprise, l’exception prévue au 1° du I de l’article 4 est susceptible de permettre au professionnel en cause ou au chef de l’entreprise concernée ou à son représentant de se rendre, au-delà de 18 heures, au cabinet de son avocat pour le consulter en sa qualité de professionnel au bénéfice de l’exception du 1° alors qu’il ne pourra en aller ainsi pour le consommateur ou l’employé en cause”.
Il juge donc “que l’absence de toute dérogation permettant de se rendre chez un professionnel du droit et notamment un avocat pour un acte ou une démarche qui ne peut être réalisé à distance au-delà de 18 heures porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale d’exercer un recours effectif devant une juridiction dans des conditions assurant un respect effectif des droits de la défense et du droit à un procès équitable“.
L’exécution du I de l’article 4 du décret du 29/10/2020 est suspendue en ce qu’il ne prévoit aucune exception pour se rendre chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance.
Vous pouvez également consulter le communiqué de presse (conseil-etat.fr) du Conseil d’Etat relatif à cette décision.
A noter, enfin, que le Conseil supérieur du notariat (CSN) a mis à jour sa FAQ aspects juridiques et métier (question 1, page 42 “Le notaire peut-il, au titre des textes, recevoir des clients à l’étude ou se déplacer pour recevoir son acte chez les clients ?”) pour intégrer cette décision.
Il souligne que “même si la motivation du Conseil d’Etat porte essentiellement sur l’exercice du ministère d’avocat, il n’en demeure pas moins que cette décision a pour conséquence de créer une incertitude dans son interprétation pour les activités de tous les professionnels du droit car la décision du Conseil d’Etat vise clairement tous les professionnels du droit. Cette incertitude ne pourra être réformée que par le pouvoir réglementaire (…)”.
Il ajoute qu”il “est donc conseillé de rester prudent et de ne préconiser la réception des clients après 18 heures que dans des cas qui restent exceptionnels. Il s’agira notamment des cas dans lesquels la réception d’un acte par procuration (sous seing privé ou avec comparution à distance) est impossible et ne peut être reportée à un autre moment, où l’utilisation de la visioconférence est impossible ou bien n’est pas de nature à garantir totalement le respect du secret professionnel, la discrétion des échanges et la liberté d’expression du client – par exemple par rapport à son entourage. Les professionnels doivent, comme toujours, faire preuve de discernement. Il serait inopportun, dans l’attente des précisions réglementaires attendues, de permettre l’organisation de rendez-vous après 18 heures par simple commodité personnelle et en l’absence de motivation réelle et sérieuse”.
Décision CE FAQ CSN