Ordonnance N. 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés (et rapport au Président de la République).
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TEXTE :
La réforme du droit des sûretés mise en place par l’ordonnance N. 2006-346 du 23/03/2006 relative aux sûretés ne fut que partielle compte tenu des termes de la loi d’habilitation, qui avait exclu du périmètre de celle-ci le cautionnement et les privilèges. Afin de parachever cette réforme, sur la demande du ministère de la justice, l’Association Henri Capitant a constitué une commission en vue d’élaborer un avant-projet de réforme du droit des sûretés (pour consulter l’avant-projet : https://henricapitant.org/travaux/legislatifs-nationaux/avant-projet-de-reforme-du-droit-des-suretes – voir notamment le Diane-infos 21625).
Suite à une mise en consultation jusqu’en 2019, la loi N. 2019-486 du 22/05/2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE) a habilité le Gouvernement à porter cette réforme par voie d’ordonnance.
Comme expliqué dans le rapport au Président de la République, l’ordonnance N. 2021-1192 du 15/09/2021, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022, poursuit trois objectifs principaux :
– La sécurité juridique en rendant plus simple, plus lisible, et donc plus prévisible, le droit des sûretés. La réforme rend les dispositions du Code civil “plus simples et plus explicites par une reformulation de certains articles et l’utilisation d’un vocabulaire plus adapté”. Elle précise également les notions et règles juridiques existantes en droit positif. En matière de cautionnement, les dispositions relatives à l’obligation d’information, à la mention manuscrite et à la proportionnalité, aujourd’hui éparpillées dans le Code de la consommation, le Code monétaire et financier ou des lois non codifiées, sont abrogées pour intégrer le Code civil et permettre ainsi une unification des règles.
De même, les règles du Code civil relatives aux privilèges mobiliers sont “toilettées” et modernisées afin de clarifier et préciser leur régime, en particulier par l’inscription dans le Code civil de l’affirmation de l’existence d’un droit de préférence et de l’absence de droit de suite.
Sont aussi intégrées différentes solutions jurisprudentielles. Ainsi, le devoir de mise en garde en matière de cautionnement, le classement du droit de préférence du créancier gagiste ou l’absence de droit de rétention en matière de nantissement de bien incorporel sont intégrés dans le Code civil. Dans le nantissement de créance, le régime de l’opposabilité des exceptions est, dans un souci de cohérence, fixé en s’inspirant des règles retenues pour la cession de créance par la réforme du droit des contrats du 10/02/2016.
La transformation des privilèges spéciaux immobiliers en hypothèques légales, qui a pour effet de supprimer la rétroactivité de leur inscription, répond également à l’objectif de sécurité juridique. Il en va de même de la consécration dans le Code civil de la cession de somme d’argent à titre de garantie : cette sûreté est aujourd’hui massivement utilisée en pratique mais, faute de régime légal, une incertitude préjudiciable aux opérateurs économiques existe toujours quant à sa validité et son efficacité.
La réforme contredit en outre certaines solutions jurisprudentielles en consacrant la possibilité pour la caution d’opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu’elles soient inhérentes à la dette ou personnelles au débiteur. De même, la caution ne pourra plus reprocher au créancier le choix du mode de réalisation d’une sûreté.
– Le renforcement de l’efficacité des sûretés. L’efficacité du cautionnement est en particulier renforcée. Cela résulte d’abord de la simplification des règles de droit, de l’abrogation des dispositions figurant aujourd’hui dans différents codes et de l’insertion de l’ensemble de ces dispositions dans le Code civil. La modification de la sanction du cautionnement disproportionné (la réduction du cautionnement remplace la déchéance totale) y participe également, tout comme l’assouplissement des règles relatives à la mention manuscrite.
La protection des garants n’est cependant pas remise en cause : la mention manuscrite reste par exemple exigée pour la validité du cautionnement. Elle bénéficiera désormais à toutes les cautions personnes physiques, quelle que soit la qualité du créancier. La sous-caution bénéficiera de l’information annuelle et de l’information sur la défaillance du débiteur principal. Le constituant d’une sûreté réelle pour autrui bénéficiera des protections essentielles offertes à la caution, en rupture avec la jurisprudence actuelle.
Les précisions apportées dans l’articulation des règles entre le Code civil et les procédures civiles d’exécution favorisent par ailleurs l’efficacité des sûretés : les droits du créancier gagiste seront en particulier mieux respectés lorsque le bien gagé est saisi.
L’admission du gage portant sur des immeubles par destination renforce l’efficacité du droit des sûretés : ces biens, qui ne pouvaient jusque-là être engagés pour garantir un financement, peuvent désormais être grevés de sûretés.
L’efficacité de l’hypothèque est également renforcée, sa constitution par les personnes morales autres que les sociétés est simplifiée : la prohibition des hypothèques portant sur biens futurs est levée, le champ des accessoires couverts par l’hypothèque en cas de subrogation personnelle est étendu, un mécanisme de purge des gages portant sur les immeubles par destination est mis en place.
La modernisation des règles relatives à la fiducie-sûreté renforce de la même manière l’efficacité de cette sûreté. Ainsi, son formalisme est assoupli, l’exigence d’une estimation de la valeur des biens transmis n’apparaissant pas nécessaire. Il en va de même de ses modalités de réalisation : le fiduciaire pourra désormais vendre les biens donnés en fiducie à un prix différent de celui fixé par l’expert si une vente à ce prix n’est pas possible. L’exigence d’expertise est toutefois maintenue afin d’assurer la protection du constituant.
Certaines règles relatives à la publicité du nantissement du fonds de commerce sont modifiées, en particulier, le défaut d’inscription du nantissement dans le délai préfix n’est plus sanctionné par la nullité, mais par l’inopposabilité de l’acte.
– Le renforcement de l’attractivité du droit français. Sont ainsi abrogées les sûretés inutiles ou obsolètes (certains privilèges mobiliers ou immobiliers, le gage commercial, le nantissement de l’outillage et du matériel d’équipement, les warrants pétroliers, hôteliers, les stocks de guerre et industriel, le gage de stocks) “qui rendaient notre droit illisible depuis l’étranger”.
La consécration de la cession de créance de droit commun à titre de garantie, sûreté bien connue de nombreuses législations étrangères, permet de la même manière de renforcer l’attractivité du droit français, alors que cette possibilité n’existe aujourd’hui qu’au profit de certains établissements (cession dite “Dailly”).
Sera par ailleurs mis en place, par décret, un registre unique des sûretés mobilières, librement consultable sur internet, conformément aux meilleurs standards internationaux : il permettra aux créanciers de connaître immédiatement l’ensemble des garanties déjà constituées par celui qui souhaite obtenir du crédit. Les dispositions relatives au registre des sûretés mobilières et au gage automobile, qui requièrent à la fois des mesures réglementaires d’application et des développements informatiques nécessaires à leur mise en oeuvre, entreront en vigueur à une date qui sera fixée par décret, au plus tard le 1er janvier 2023.
J.O.L.D., 16/09/2021, Textes 18 et 19 – Voir le Diane-infos 24981