Bail rural renouvelé et division de parcelles : précisions quant à l’application du régime dérogatoire des baux de petites parcelles
Un couple a consenti un bail rural à long terme pour une durée de dix-huit ans à compter du 1er avril 1989 portant sur diverses parcelles dont l’une a été divisée en six parcelles suivant document d’arpentage établi par un géomètre-expert le 30 novembre 2009.
En mai 2010, un partage est intervenu entre les héritiers des bailleurs et l’un d’eux s’est vu attribuer une parcelle issue de la division de l’une des parcelles données à bail suivant le document d’arpentage précité. Il a ensuite reçu une donation de son frère portant sur deux autres parcelles incluses dans ce document.
Cet héritier donataire a délivré congé pour les trois parcelles précitées au preneur par acte du 28 mars 2019 à effet au 30 septembre 2019, se prévalant du régime des petites parcelles.
Pour valider le congé, la cour d’appel a retenu que “la division s’entend, en l’espèce, du morcellement d’une parcelle par le biais d’une division parcellaire et non d’un simple allotissement dans le cadre d’une procédure de partage, et que l’ancienne parcelle A a été divisée en six nouvelles parcelles dont les trois parcelles objets du congé, suivant document d’arpentage établi le 30 novembre 2009”, et a énoncé que, “si la division parcellaire est intervenue durant la durée initiale d’exécution du bail, un congé ne peut être donné qu’à l’issue d’un délai de neuf ans à compter du renouvellement de celui-ci, mais que, si la division intervient, alors que le bail a déjà été renouvelé, alors le délai de neuf ans commence à courir à compter de la division parcellaire”.
Elle en “déduit qu’à la date de la délivrance du congé, le 28 mars 2019, la condition de neuf ans qui a commencé à courir avant la fin de l’année 2009 était remplie, dès lors que cette division était intervenue alors que le bail rural était déjà renouvelé, échappant ainsi au principe d’indivisibilité”.
Après avoir rappelé :
– les dispositions des articles L. 411-47 et L. 411-3 du Code rural et de la pêche maritime et notamment qu’aux termes du deuxième alinéa de ce second texte, “la dérogation prévue au premier alinéa ne s’applique pas aux parcelles ayant fait l’objet d’une division depuis moins de neuf ans” ;
– et que “l’indivisibilité du bail cessant à son expiration, dès lors que le bail renouvelé est un nouveau bail, la nature et la superficie des parcelles susceptibles d’échapper aux dispositions d’ordre public relatives au statut du fermage doivent être appréciées au jour où le bail a été renouvelé” (Civ. 3ème, 01/10/2008, 07-17.959, Diane-infos 11831) ;
la Cour de cassation (13/06/2024, 22-18861) précise qu’il “en résulte que le régime dérogatoire des baux de petites parcelles ne s’applique pas au bail renouvelé si la division des parcelles, qui a eu pour effet de faire naître une pluralité de bailleurs, a eu lieu moins de neuf ans avant ce renouvellement“.
Elle juge donc qu’en “statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le bail en cours s’était renouvelé le 1er avril 2016, soit moins de neuf ans après la division intervenue par acte de partage du 26 mai 2010, la cour d’appel a violé les textes susvisés“.
C.Cass.Civ.3ème, 13/06/2024, 22-18861 ;
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