Le changement de régime matrimonial non porté en marge de l’acte de mariage est opposable sous certaines conditions.
Une créancière a fait inscrire, sur autorisation du juge, une hypothèque provisoire sur un bien immobilier appartenant à son débiteur et à l’épouse de celui-ci. Un jugement l’a reconnu créancière à hauteur de 316 000 euros. Elle a ensuite obtenu le partage de l’immeuble et sa vente forcée, réalisée au prix de 422 000 euros. Seule la moitié du prix de vente lui a été versée, le débiteur et son épouse étant en séparation de biens et le bien étant indivis entre eux pour moitié.
La créancière puis ses héritiers réclament le versement de l’autre moitié. Ils soutiennent que le changement de régime matrimonial du débiteur, initialement marié sous la communauté légale, ne leur est pas opposable. Bien que ce changement ait été homologué avant que la dette ne soit contractée, il n’a été porté en marge de son acte de mariage que huit ans après la vente. Pour eux, le débiteur était marié sous la communauté.
Les juges du fond rejettent leur demande en retenant que la créancière a assigné les époux en partage de l’indivision existant entre eux et n’a jamais invoqué le caractère commun de l’immeuble au cours des procédures ayant abouti à sa vente. Ils ajoutent que la créancière a eu connaissance du caractère indivis de l’immeuble et, par conséquent, du régime matrimonial actuel du couple, dès l’inscription de son hypothèque judiciaire provisoire qui n’a été prise que sur la moitié indivise en pleine propriété de l’époux débiteur.
Ils en déduisent qu’en dépit de l’absence de mention du changement de régime matrimonial sur l’acte mariage des époux, la créancière n’a pu se méprendre sur l’étendue de son droit sur l’immeuble hypothéqué.
Au visa de l’article 1397, alinéa 3, devenu alinéa 6, du Code civil, dont il ressort que “le changement de régime matrimonial homologué a effet entre les parties à dater du jugement et, à l’égard des tiers, trois mois après que mention en aura été portée en marge de l’un et de l’autre exemplaire de l’acte de mariage. Toutefois, en l’absence même de cette mention, le changement n’en est pas moins opposable aux tiers si, dans les actes passés avec eux, les époux ont déclaré avoir modifié leur régime matrimonial“, la Cour de cassation (21-14557) juge qu'”en se déterminant ainsi, alors qu’il était constant que la mention du jugement homologuant le changement de régime matrimonial [du couple] n’avait été porté en marge de leur acte de mariage que le 30 septembre 2019, la cour d’appel, qui n’a pas constaté qu’antérieurement à cette date, [le couple] avait déclaré avoir modifié son régime matrimonial dans un acte passé avec [la créancière], n’a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé“.
C.Cass.Civ.1ère, 21-14557, 11/05/2023 ;
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