Vente viagère : Quel sort pour le bouquet quand la clause résolutoire prévoit qu’en cas de résolution, seuls les arrérages versés demeuraient acquis au vendeur ?
Par acte authentique du 6 janvier 1992, un couple a vendu une maison d’habitation moyennant le prix d’un million de francs payé comptant à hauteur de 440 000 francs, le solde ayant été converti en rente viagère d’un montant mensuel de 4 300 francs.
Le service de la rente ayant cessé à compter du mois d’août 2015, les crédirentiers ont assigné le débirentier en résolution de la vente, paiement des arrérages impayés et expulsion.
La cour d’appel a liquidé la créance des crédirentiers à la somme de 28 495 euros et a condamné le débirentier à leur payer cette somme.
Ce dernier forme un pourvoi reprochant notamment à la cour d’appel de ne pas avoir ordonner la restitution du “bouquet” initialement payé au vendeur alors qu’en cas de résolution du contrat, les parties doivent être mises dans la même situation que s’il n’y avait pas eu de contrat.
Les crédirentiers contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le débirentier n’a jamais demandé, ni devant le tribunal ni devant la cour d’appel, la restitution du “bouquet” et n’a pas non plus invoqué les termes de la clause résolutoire pour s’opposer au paiement, aux crédirentiers, des arrérages échus et impayés.
Se prononçant tout d’abord sur la recevabilité du moyen, la Cour de cassation (14/09/2023, 22-13209) va préciser que “la restitution de la chose et du prix constituent une conséquence légale de la résolution du contrat“. Dès lors, “le moyen tiré de l’absence de mise en œuvre de ces restitutions par la cour d’appel est en conséquence de pur droit et, partant, recevable“.
Ensuite, sur le bien fondé du moyen, elle rappelle qu’aux termes de l’article 1134 du Code civil (ancien) “les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites” et qu’il résulte de l’article 1183 (ancien) du même code, “que la condition résolutoire entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat ainsi que des restitutions réciproques qui en constituent des conséquences légales“.
En l’espèce, pour liquider la créance des crédirentiers à la somme de 28 495 euros, la cour d’appel a retenu “que la rente ayant continué à courir jusqu’à l’acquisition de la clause résolutoire, [le débirentier] doit être condamné à payer aux [crédirentiers] la somme de 830 euros par mois depuis le mois d’août 2015 jusqu’à la prise d’effet du commandement visant la clause résolutoire, soit 14 940 euros, somme à laquelle il faut ajouter les indemnités d’occupation dues jusqu’à la libération des lieux et retrancher les arrérages versés de janvier 2012 à août 2015”.
La Cour de cassation juge qu’en “statuant ainsi, sans ordonner la restitution du « bouquet » correspondant à la part du prix payée comptant lors de la signature du contrat et en incluant dans son calcul le paiement des arrérages échus et impayés au jour de la résolution, après avoir constaté, par motifs adoptés, que la clause résolutoire prévoyait qu’en cas de résolution du contrat, seuls les arrérages versés et les embellissements et améliorations apportés au bien demeuraient acquis au vendeur, et sans retenir que le « bouquet » et les arrérages échus et impayés étaient laissés au vendeur à titre de dommages-intérêts, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés“.
C.Cass.Civ.3ème, 14/09/2023, 22-13209 ;
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