Préemption d’un bail commercial : la commune doit justifier de la réalité d’un projet et en mentionner la nature dans la décision.
Un maire a exercé le droit de préemption de la commune prévu à l’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme sur une cession de droit au bail commercial. L’acquéreur évincé, qui exploite un commerce de boucherie attenant qu’il souhaite agrandir et compléter, se pourvoit en cassation contre l’ordonnance par laquelle le juge a rejeté sa demande de suspension de l’exécution de cette décision de préemption.
Le juge a écarté comme n’étant pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée les moyens tirés, d’une part, de l’absence de justification de la réalité d’un projet répondant aux objectifs mentionnés à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme et, d’autre part, de ce que la mise en œuvre du droit de préemption ne répondait pas à un intérêt général suffisant.
Le Conseil d’Etat (15/12/2023, Req. 470167) va tout d’abord rappeler qu’il résulte des articles L. 214-1 et L. 210-1 du Code de l’urbanisme que les collectivités titulaires du droit de préemption prévu à l’article L. 214-1 “peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien, en l’occurrence le fonds artisanal ou commercial ou le bail commercial, faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant“.
Plus précisément, le conseil municipal de la commune avait délimité plusieurs périmètres de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité dans les secteurs de la commune “où des menaces pèsent sur la diversité commerciale et artisanale”, dont relèvent les locaux loués.
En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que la décision de préemption attaquée se borne à se référer à cette délibération et à indiquer que l’extension d’un commerce déjà existant va à l’encontre de l’objectif de diversité commerciale et artisanale ayant présidé au choix de délimiter ce périmètre et n’apportait pas de précision quant à la nature du projet poursuivi, notamment la ou les activités commerciales ou artisanales dont l’installation ou le développement seraient organisés dans le périmètre en cause, laquelle ne ressortait pas non plus de la délibération délimitant le périmètre.
Le Conseil d’Etat juge donc que le juge des référés du tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit.
CE, 15/12/2023, Req. 470167 ;
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