La publication d’un pacte de préférence permet-elle la substitution du bénéficiaire dans les droits des tiers ?

Par acte authentique du 15 novembre 1975, des époux ont fait, d’une part, donation par préciput et hors part à leur fils, de la nue-propriété d’un manoir et de ses dépendances et, d’autre part, donation-partage de la nue-propriété de divers immeubles à l’ensemble de leurs enfants.

Cet acte contenait une clause intitulée “priorité en cas de vente”, stipulant que “en cas de vente par l’un ou l’autre des donataires d’un des biens ou de la totalité des biens compris en son lot, la priorité pour acquérir appartiendra aux autres donataires, parties en la présente donation partage. Ce droit de préférence existera au bénéfice des donataires aux présentes tant que l’un des donataires sera vivant”.

Le 9 décembre 2016, la soeur a fait publier auprès du bureau des hypothèques un acte rappelant l’existence du pacte de préférence et exprimant son intention de s’en prévaloir.

Par acte du 23 janvier 2018, dressé par un notaire, le fils s’est engagé, d’une part, à vendre à un tiers les parcelles correspondant au manoir et à ses dépendances, objets de la donation et, d’autre part, à lui donner, ainsi qu’à des preneurs, un bail emphytéotique d’une durée de quatre-vingt-dix ans sur une parcelle contenant un colombier et procurant une vue sur mer, ainsi qu’un bail de droit commun d’une durée de onze ans et dix mois sur d’autres parcelles, objets de la donation-partage susvisée.

Ces promesses ont été réitérées par acte authentique reçu le 6 juillet 2018 par le notaire.

Par acte du 6 juillet 2018, les acquéreurs du manoir ont consenti au frère un prêt remboursable le 5 juillet 2048, faisant l’objet d’une affectation hypothécaire assortie d’un sursis à prendre inscription et d’un pacte commissoire sur les parcelles données à bail, permettant leur attribution en justice au preneur en cas de défaut de paiement des intérêts du prêt.

Estimant que la vente du manoir avait été faite en méconnaissance de son droit de préférence, et que les baux et prêt constituaient une vente déguisée d’autres parcelles soumises à ce droit, la soeur a assigné son frère, le notaire, ainsi que les acquéreurs aux fins de se voir substituer à ces derniers dans les actes conclus le 6 juillet 2018 et, subsidiairement, en annulation desdits actes.

Les juges du fond rejettent les demandes. La soeur forme un pourvoi en soutenant notamment que “le pacte de préférence implique l’obligation, pour le promettant, de proposer le bien, lorsqu’il décide de le vendre, d’abord au bénéficiaire, avant de le proposer aux tiers” et que “le bénéficiaire d’une promesse de vente a la faculté de publier au service de la publication foncière son intention d’exercer ce droit ; que cette publication rend la déclaration d’intention opposable aux tiers, qui ne peuvent prétendre ne pas en avoir eu connaissance”.

Pour la Cour de cassation (22-10639), en “ayant énoncé que la bénéficiaire du pacte de préférence n’était en droit d’exiger sa substitution dans les droits des tiers, ou l’annulation de la vente consentie à des tiers en méconnaissance de ses droits que si elle établissait la connaissance, par ces derniers, de l’existence du pacte et souverainement retenu que la preuve de cette connaissance n’était pas rapportée, la cour d’appel a justement déduit de ces seuls motifs que les demandes de [la soeur] devaient être rejetées“.

Le moyen n’est donc pas fondé.

C.Cass.Civ.3ème, 07/03/2024, 22-10639 ;
legifrance.gouv.fr

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