Conditions d’opposabilité au bailleur de la cession judiciaire d’un bail rural.
En 2014, les propriétaires d’un fonds rural donné à bail rural ont délivré au preneur un congé en raison de l’âge. En mai 2015, la cession du bail au fils du preneur a été autorisé et le congé annulé par jugement confirmé en 2017.
En novembre 2015, les bailleurs ont délivré au preneur un congé pour reprise à effet au 30 septembre 2018. Le tribunal paritaire des baux ruraux – TPBR – a été saisi en annulation du congé. L’acte de cession du bail a été conclu le 11 avril 2018.
Pour annuler le congé pour reprise, la cour d’appel a retenu qu’il a été délivré au preneur seul, et non à son fils alors que le TPBR avait, par jugement du 18 mai 2015, assorti de l’exécution provisoire, autorisé la cession du bail au profit de ce dernier, que cette décision avait été ultérieurement confirmée par la cour d’appel, par arrêt du 12 septembre 2017 et que l’acte de cession est intervenu entre les parties par acte authentique du 11 avril 2018.
La Cour de cassation (11/01/2024, 22-15661) va rappeler :
– qu’aux termes de l’article 1216 du Code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance N. 2016-131, “un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son cocontractant, le cédé. Cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, auquel cas la cession produit effet à l’égard du cédé lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu’il en prend acte. La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité“.
– que selon l’article L. 411-35, alinéa 1er du Code rural et de la pêche maritime – CRPM, “toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l’agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d’un pacte civil de solidarité du preneur participant à l’exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l’âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d’agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire“.
Elle précise qu’il “en résulte que la cession du bail rural, même autorisée en justice, ne produit effet à l’égard du bailleur que si, conformément à l’article 1216 du code civil, il est partie à l’acte de cession, si l’acte lui est notifié ou s’il en prend acte“.
– qu’aux termes de l’article L. 411-47, alinéa 1er, du CRPM, “le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s’il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou d’un descendant majeur ou mineur émancipé“.
– qu’aux termes de l’article L. 411-58, alinéa 1er, du même code, “le propriétaire qui entend s’opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l’expiration du bail, par acte extrajudiciaire. La qualité de preneur du destinataire du congé s’apprécie à la date de sa délivrance“.
Elle juge “qu’en statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ces constatations qu’à la date de délivrance du congé, aucune cession opposable aux bailleresses n’était intervenue, la cour d’appel a violé les textes susvisés“.
C.Cass.Civ.3ème, 11/01/2024, 22-15661 ;
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