Actes notariés d’Alsace-Moselle : nouvel examen de la Cour de cassation.

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JURISPRUDENCE : Par un acte en 2000, dressé par un notaire en Moselle, une banque a consenti deux prêts hypothécaires. En 2017, après avoir fait signifier à l’emprunteur un commandement de payer à fin d’exécution forcée immobilière d’un bien lui appartenant, la banque a requis la vente par voie d’exécution forcée de cet immeuble en recouvrement des sommes restant dues au titre des deux prêts hypothécaires.

Pour rejeter la demande de vente par voie d’exécution immobilière forcée, la cour d’appel a retenu :

– que si le contrat de prêt notarié en cause porte indication de la somme empruntée, du taux nominal des intérêts, du nombre de mensualités, reproduits dans un tableau d’amortissement, la créance invoquée à l’appui de la mesure d’exécution forcée immobilière ne résulte pas de cet acte, sauf à devoir la déterminer, une fois la déchéance du terme acquise, par le solde rendu exigible, augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et de l’indemnité forfaitaire calculée sur un solde qui n’est pas encore fixé ;

– que le décompte déterminé de la créance de la banque ne figure que dans le commandement de payer ;

La cour d’appel en a déduit que la créance, pour laquelle la vente forcée des biens est poursuivie, ne se trouve pas suffisamment déterminée dans l’acte notarié servant de fondement aux poursuites.

* Dans son pourvoi, la banque soutient tout d’abord que l’article 108 de la loi N. 2019-222 du 23/03/2019, modifiant l’article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d’exécution, revêt le caractère d’une disposition interprétative, dont la finalité repose sur le motif impérieux d’intérêt général de restaurer la force exécutoire des actes notariés de prêt instrumentés par les notaires des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin que la jurisprudence leur reconnaissait traditionnellement avant d’être mise à mal par un revirement de jurisprudence (Civ. 2ème, 17/10/ 2017, N. 16-26413 et N. 16-19675, voir le Diane-infos 21736) et donc que l’article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d’exécution devait s’appliquer dans sa nouvelle rédaction.

La Cour de cassation (25/06/2020, 19-23219) indique, “qu’à défaut de disposition transitoire, l’article 108 de la loi précitée est entré en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel intervenue le 24 mars 2019, soit le 25 mars 2019. Cet article, procédant d’une loi relative aux procédures civiles d’exécution, dépourvue de caractère interprétatif, est d’application immédiate. Il n’est donc applicable qu’aux actes d’exécution forcée postérieurs à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Les actes d’exécution étant antérieurs au 25 mars 2019, la cour d’appel en a exactement déduit que le litige était soumis à l’article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d’exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 mars 2019″.

* La banque soutenait également “qu’au stade de l’exécution forcée, il importe seulement de rechercher si la créance dont se prévaut le saisissant est liquide et exigible”.

La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d’exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi précitée, “dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire de ces trois départements ou du ressort des cours d’appel de Colmar et de Metz lorsqu’ils sont dressés au sujet d’une prétention ayant pour objet le paiement d’une somme d’argent déterminée ou la prestation d’une quantité déterminée d’autres choses fongibles ou de valeurs mobilières et que le débiteur consent dans l’acte à l’exécution forcée immédiate“.

Elle indique ensuite que, “si, d’une part, la Cour de cassation a interprété ce texte en ce sens que les actes notariés ne peuvent servir de titre exécutoire que s’ils ont pour objet le paiement d’une somme déterminée et non pas seulement déterminable et si le débiteur consent à l’exécution forcée immédiate (notamment : 1re Civ., 6 avril 2016, pourvoi n° 15-11.077 ; 3e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-14.671 ; 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-19.675 ; 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-26.413 ; 2e Civ., 22 mars 2018, pourvoi n° 17-10.635), cette jurisprudence, suivie par l’arrêt contre lequel le pourvoi a été formé, a soulevé des controverses doctrinales et des divergences de jurisprudence entre les cours d’appel de Metz et de Colmar, qui justifient un nouvel examen.

D’autre part, en modifiant l’article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d’exécution, la loi du 23 mars 2019, même si elle n’est pas applicable en l’espèce, a modifié le texte en vue de mettre le droit local en conformité avec les règles applicables sur le reste du territoire national.

Il convient, dès lors, de rapprocher les règles applicables en droit local de celles du droit général et de considérer que constitue un titre exécutoire, au sens de l’article L. 111-5, 1°, du code des procédures civiles d’exécution, alors applicable, un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution immédiate forcée, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d’évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi“.

La décision est donc censurée sur ce point.

C.Cass.Civ.2ème, 25/06/2020, 19-23219 ;
courdecassation.fr –
Voir le Diane-infos 23769

 

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