Bail rural : précisions sur l’action en répétition de l’indu.
En 2007, un couple, seul gérant d’une exploitation agricole à responsabilité limitée qui était le preneur sortant, a consenti un bail rural à long terme sur des parcelles antérieurement exploitées par cette société, à des exploitants qui les ont mises à disposition d’une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL).
Par acte authentique du même jour, le couple a vendu à l’EARL un corps de ferme, le cheptel, les stocks ainsi que le matériel incluant le coût des arrière-fumures.
En 2019, les preneurs à bail et l’EARL ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d’une action en répétition de cette somme dirigée contre les bailleurs, puis soutenant que la société des bailleurs avait perçu le montant des arrière-fumures, ils l’ont appelée en intervention forcée.
* La cour d’appel a tout d’abord rejeté cette demande au motif qu’elle était prescrite. La Cour de cassation (08/06/2023, 21-24738) juge que la cour d’appel a “énoncé, à bon droit, d’une part, que l‘action en répétition prévue par l’article L. 411-74 du Code rural et de la pêche maritime était, sauf lorsqu’elle est exercée à l’encontre du bailleur, soumise à la prescription de droit commun, d’autre part, que, par l’effet de l’entrée en vigueur de la loi N. 2008-561 du 17/06/2008, le délai de prescription avait été réduit de trente ans à cinq ans“.
En l’espèce, “elle a constaté qu’il ressortait des pièces produites aux débats que l’EARL avait réglé par chèque du 1er août 2007 la somme de 77 000 euros HT au titre des arrière-fumures, puis payé le montant de la TVA par chèque du 30 septembre 2007″.
Elle juge que “la cour d’appel, qui en a exactement déduit que l’action en répétition de l’indu dirigée contre la société [des bailleurs], preneur sortant, était prescrite depuis le 20 juin 2013, a légalement justifié sa décision de ce chef“.
* La cour d’appel a également rejeté la demande en répétition de l’indu formée contre les bailleurs, après avoir retenu que l’EARL a réglé le coût des arrière-fumures sur la base d’une facture émise par la société des bailleurs et qu’aucun élément ne permet de déterminer que les bailleurs ont bénéficié, directement ou indirectement, de cette somme.
Sur ce point, la Cour de cassation va rappeler :
– qu’aux termes de l’article L. 411-69, alinéa 1er, du Code rural et de la pêche maritime “le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l’expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail” ;
– que selon l’article L. 411.74 du même code, “sont sujettes à répétition les sommes indûment perçues par tout bailleur, tout preneur sortant ou tout intermédiaire qui aura, directement ou indirectement, à l’occasion d’un changement d’exploitant, soit obtenu ou tenté d’obtenir une remise d’argent ou de valeurs non justifiée, soit imposé ou tenté d’imposer la reprise de biens mobiliers à un prix ne correspondant pas à la valeur vénale de ceux-ci. L’action en répétition exercée à l’encontre du bailleur demeure recevable pendant toute la durée du bail initial et des baux renouvelés qui lui font suite ainsi que, en cas d’exercice du droit de reprise, pendant un délai de dix-huit mois à compter de la date d’effet du congé” ;
– et qu’il résulte de l’article 1376 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10/02/2016, “que l’action en répétition de l’indu peut être engagée non seulement contre celui qui a reçu le paiement mais aussi contre celui pour le compte duquel il a été reçu“.
Elle juge ensuite qu”en statuant ainsi, tout en relevant que les sommes payées, par le preneur entrant, en exécution de l’acte de vente du 1er août 2007 conclu avec [les bailleurs] et auquel la société [des bailleurs] n’était pas partie, correspondaient aux arrière-fumures dont le paiement prohibé par l’article L. 411-74 précité, était indu, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que le paiement avait été reçu par la société [bailleurs] pour le compte des [bailleurs], a violé les textes susvisés”.
C.Cass.Civ.3ème, 08/06/2023, 21-24738 ;
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