Erreur de qualification d’un legs par le notaire : il convient de rechercher si l’intéressé n’a pas bénéficié d’une économie d’impôt venant contrebalancer son préjudice.

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JURISPRUDENCE :

Une personne est décédée en 2010, laissant pour lui succéder son époux et son fils en l’état d’un testament daté de 2006, rédigé au dos d’un tableau en ces termes : “Je soussignée (…) née (…) veux que ce tableau ainsi que tout ce que je possède (…) aillent en direct lègue à mon époux bien-aimé (…) le jour de ma mort. A la mort de celui-ci tout reviendra à mon fils (…) mais pas du vivant de son père. Aucun autre héritier ne pourra justifier de quoi que ce soit“. Le 5 novembre 2010, le notaire a établi un acte de partage en considérant que ce testament instituait l’époux légataire à titre particulier des biens et droits immobiliers visés dans le testament, notamment, de la pleine propriété d’une maison. Après s’être remarié, l’époux a, en 2013, vendu cette maison à son épouse.

Soutenant qu’il avait bénéficié d’un legs graduel de la maison et non d’un legs résiduel, et qu’en conséquence, l’acte de partage était affecté d’une erreur résultant d’une mauvaise interprétation de cette libéralité, le fils a assigné son père et le notaire afin d’obtenir la nullité de cet acte et la condamnation de ce dernier à réparer le préjudice causé par le manquement à son devoir de conseil.

La cour d’appel a condamné le notaire à payer au fils les sommes de 102 000 euros au titre de sa perte de chance en retenant que “le legs consenti par [l’épouse à son époux] était grevé d’une charge comportant l’obligation pour le légataire de conserver les biens qui en étaient l’objet et, à son décès, de les transmettre au second gratifié désigné dans l’acte, conformément aux dispositions de l’article 1040 du code civil. [Elle] ajoute que le notaire n’a pas attiré l’attention [du père et du fils] sur la différence entre un legs graduel et un legs résiduel et que, faute d’avoir pris en compte l’existence de cette charge grevant le legs, le partage opéré par l’acte du 5 novembre 2010 a été atteint d’une cause de nullité, de sorte que le manquement du notaire à son devoir de conseil est directement à l’origine de la perte de chance par [le fils] d’hériter de la maison (…) au décès de son père. [Elle] retient que ce préjudice peut être évalué à 85 % du prix de vente du bien, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une expertise pour estimer la valeur de ses droits en considération de l’existence de la charge grevant le legs”.

Le notaire forme un pourvoi en soutenant que la cour d’appel aurait dû rechercher, comme elle y était invitée, “si en raison de cette erreur de qualification, [le fils] n’avait pas bénéficié d’une économie d’impôt venant contrebalancer son préjudice”.

La Cour de cassation (19-21290), au visa de l’article 1382, devenu 1240 du Code civil, dont il ressort que “tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer“, juge qu'”en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si en raison de l’erreur de qualification du legs, [le fils] n’avait pas bénéficié d’une économie d’impôt de nature à réduire son préjudice, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision“.

C.Cass.Civ.1ère, 14/04/2021, 19-21290 ;
legifrance.gouv.fr – Voir le Diane-infos 24612

 

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